Les humains que nous sommes, à travers l’usage des sciences et techniques, comprennent depuis peu que les multiples sonorités de l’air, comme la mouvance de cette matière façonnant chaque existence, ainsi que tout l’univers, s’expriment à travers une multitude de vibrations, d’oscillations, agitations magnétiques, électriques, électromagnétiques, moléculaires, toutes sortes de phénomènes ondulatoires

La vie se manifeste dans l’expression de ces mouvances très agitées, et d’existence en existence, d’évolution en évolution, le vivant à travers sa forme humaine s’est mis à construire divers outillements, c’est parmi ceux-là qu’ont été mis au point trois modes de représentation d’un phénomène oscillatoire :

> l’oscillogramme (visualisé typiquement par l’outil de mesure appelé oscilloscope) peut s’apparenter à une vue de devant où toutes les fréquences sont confondues dans l’oscillation, où l’on ne voit que la variation d’amplitude d’une enveloppe sonore dans un défilement temporel

> le spectrogramme (ou spectre sonore), qui serait une vue de côté, où l’on ne perçoit qu’un spectre de fréquences et d’amplitudes à un instant précis (analogue à une photographie). La définition du terme n’étant pas fixée, le terme « spectrogramme » est souvent utilisé à la place de « sonagramme ».

> enfin, le sonagramme (ou sonogramme) s’apparente à la représentation graphique idéale d’une sonorité quelconque, comme une vue du dessus permettant d’en détailler ses diverses fréquences (échelle verticale en Hertz [Hz]), leurs durées dans le temps (échelle horizontale), et leurs amplitudes (niveau sonore en décibel ou dB) exprimées ici en niveau de gris (du blanc au noir), l’extrême noir signifiant une sonorité élevée.

> La synthèse des trois modes (vue de devant, de côté, de dessus) permet de réaliser un visuel en relief des sonorités (ou 3D).

Un sonagramme est en parfaite analogie avec une partition de musique, en plus précis ; la qualité des représentations graphiques actuelle permet de visualiser précisément la richesse d’un son, comme sa durée dans le temps, et sa forme précise : d’un son pur à une seule fréquence aux sons riches de multiples fréquences superposées exprimant la qualité harmonique de ce même son.

Les bruits de vent, les souffles, les écoulements d’eau, d’une cascade ou de la mer, forment des sonorités très riches qui recouvrent une large partie du spectre sonore, proche d’un « bruit blanc » où toutes les fréquences sont émises en même temps, et ont tendance à masquer les sonorités plus simples…

Dans les récits du volume 2. « petit chemin », ce seront particulièrement les chants des oiseaux et des insectes que l’on représentera sous cette forme graphique : l’échelle verticale indique les fréquences des plus basses (en bas) aux plus élevées (en haut), le spectre audible des oreilles humaines étant relativement limité, il se situe entre 16 Hz et 16 kHz environ, les sons en dessous sont considérés comme des infrasons, et les sons au-dessus, des ultra-sons. L’échelle horizontale indique le déroulement du temps.

Dans cette vue, le sonagramme montre les sonorités perçues pendant le déplacement d’un marcheur humain pendant 28 secondes. Ici, le microphone de la machine enregistreuse a capté deux sonorités principales : le bruit des pas sur le chemin caillouteux de la forêt, formant des gerbes sonores verticales de 0 à 20 kHz ; vers 5’42, une trace verticale plus foncée indique un raclement du sol intense ; ensuite, de 5’38 à 5’58, l’émergence d’un nuage harmonique entre 10 kHz et 30 kHz, il s’agit de la stridulation d’une Sauterelle (ou apparenté), à 5’45 et à 5’52, elle s’arrête brièvement et reprend aussitôt après (la majeure partie de ce spectre sonore étant pour l’humain des ultra-sons, il ne les percevra pas, un Chien par contre l’entendra très bien). Les variations de l’amplitude sont dues au déplacement et l’orientation du microphone au fil de la marche.

Plus un son est émis à une fréquence aiguë, plus il se propagera d’une manière étroite et directive (unidirectionnel), plus le son sera grave, plus il se répandra d’une manière large (omnidirectionnel). Un Éléphant communique avec sa famille en émettant des infrasons (inférieures à 16 Hz), sa corpulence lui permet d’émettre des sonorités très graves capables de se diffuser très largement dans la savane. Une Chauve-souris visualise son environnement en émettant des ultra-sons, une écholocation (ou écholocalisation) analogue aux radars terrestres ou aux sonars des sous-marins fabriqués par les humains.

Dans ce sonagramme de 3,8 s (des sonorités presque inaudibles pour l’homme), on voit la captation de diverses sonorités émises vers 4h du matin : entre 15 kHz et 30 kHz, quatre échos-locations d’une Chauve-souris (Chiroptère) ; la stridulation régulière d’une Sauterelle (ou apparenté) entre 8 kHz et 17 kHz ; et par moments (en dessous), la stridulation éloignée d’un Grillon, vers 5 kHz…

La plupart des chants d’oiseaux se situent entre 300 Hz et 20 kHz pour les harmoniques principales, la sonorité de leur langage est commune à la plupart des êtres communiquant de cette manière : une ou plusieurs fréquences porteuses ou dominantes, appelées « formants » (celles qui « forment » l’identité d’une voyelle par exemple) ; elles sont accompagnées plus ou moins d’oscillations harmoniques, dont la tonalité varie d’un individu à l’autre, mais obéissent toujours à un même mode de représentation spécifique à tout langage ; pour les colombins comme la Tourterelle, le roucoulement se situe entre 500 et 700 Hz, c’est une tonalité assez pure (peux d’harmoniques), le Coucou est dans les mêmes tonalités ; les Corneilles, comme tous les corvidés, dont le Geai, émettent des sonorités riches en harmoniques de 300 Hz à 12 kHz, elles nous apportent des sonorités nous paraissant disgracieuses dans la plupart de leurs chants…

Sonagramme d’une durée de 20 s, riche en sonorités : vous avez au-dessus les stridulations d’une Sauterelle (de 8 kHz à plus de 20 kHz) ; en dessous, quelques mélodies d’oiseaux indéterminés (autour de 4 kHz), dont un Pouillot véloce dans le dernier tiers ; encore en dessous, des gazouillis clairsemés et tout en bas, le chant d’une Tourterelle (vers 500 Hz)…

Ici, entre des harmoniques respiratoires (sinuosités au début et à la fin, entre 8 kHz et 12 kHz), une parole humaine disant « ou il faudra un temps… » ; dans cet extrait de phrase, on peut distinguer les sonorités de la voix en trois sortes de phonèmes : ceux à base de voyelles comme « ou, il », puis les consonnes avec la sifflante du « f » émettant une gerbe harmonique caractéristique, et celle du mot « temps », combinant la plosive du « t », comme un bruit d’impact, enfin la voyelle de base « en » pauvre en harmoniques ; dans le sonagramme, à la fin du mot « temps », la présence d’une gerbe harmonique est causée par le bruit des pas sur un chemin de graviers que la machine enregistreuse a capté…

Dans une captation des vibrations sonores à l’aide de ces machines enregistreuses, combinant une mémoire de stockage et un transducteur d’énergie appelé « microphone », toutes les sonorités sont perçues sans filtre (dans la limite des capacités physiques des transducteurs). Chaque vivant ne cesse de déchiffrer entre l’information utile à un discernement et celle qui ne l’est pas (cette sélection est en partie instinctive, ou innée, génétique, en perpétuelle adaptation au fil du temps)…

(synthèse)
Le langage initié à travers notre propre parole serait (en quelque sorte) un langage de surface (conscient), il s’ajoute aux autres langages nourris d’une information plus vaste, que le corps capte sans que nous en soyons forcément conscients. Une même sonorité, en fait, transporte plus d’informations qu’on ne le soupçonne (ou perçoive consciemment) et c’est pareil pour tous les modes de perceptions sensoriels, notre biologie n’utilise qu’une infime partie des informations disponibles nous permettant de subsister, tout comme la plante n’utilise qu’une infime partie de la lumière du Soleil (qui est aussi un phénomène vibratoire), suffisamment pour l’apport énergétique de sa survie. 

(ajout)
Les récits du « petit chemin » expriment en partie ces débordements sensoriels, ce serait comme une génétique à la recherche d’informations autres que celles habituellement perçues, les prémisses d’une mutation que les outillements du vivant ne cessent de faire avancer, les emballements d’un instinct que notre perception de « surface » a mal compris ? Chacun fait plus ou moins ce même cheminement, sauf que les routes prises divergent d’un vivant à l’autre ; certains s’égarent, d’autres défrichent, ouvrent des passages ; des milliers d’années plus tard, une multitude de traces s’accumulent, et beaucoup finissent par repasser immanquablement là où de lointains ancêtres firent de même, ajoutant un tour à la pelote de laine qu’est l’enfilement du temps sur cette planète ; une mémoire s’ajoute à d’autres mémoires, une vibration à d’autres vibrations, la sonorité enrichie d’un passé ; tout cela représente des expressions sonores, une partie des langages du vivant sur cette planète, dans cette nécessité de transmettre de l’information (tout en sachant, bien évidemment, qu’il existe d’autres formes de langages que ceux utilisant l’information sonore, comme les sens : visuels, olfactifs, tactiles, etc.).