C’était vers midi, au moment du repas, cognat à la porte de ma roulotte, un mendiant, un je-ne-sais-quoi, de ces bannis des villes, un malchanceux ; il me demanda « la pièce » pour combler sa faim, commander son litron, je ne savais… Après les quelques mots du salut et sans haine aucune, m’en vient à lui proposer de partager mon repas qu’il accepta avec surprise, son sourire laissait entrevoir encore quelques dents usées par la vie. Je ne me souviens plus de nos échanges de paroles ; ah si ! peut-être, qu’il arrivait du sud et du voyage lui aussi. Il resta à peine une heure…

Au moment de l’au revoir, nous nous embrassâmes sincèrement, c’est moi qui fus surpris cette fois, et il me dit qu’il priera pour moi aux « nostra dona de la mar ». Moi le mécréant, le misanthrope à mes heures, j’étais ému par la simplicité de ce sans-le-sou qui me donna une leçon d’humanité, me réconciliant un temps avec mes semblables… Nos origines nous différenciaient, nos savoirs nous divergeaient, mais qu’importe l’allure de ma roulotte était un signe, j’étais aussi de la route, j’étais des leurs par ce banal geste d’accueil, par ce repas offert, par ces paroles du bonjour sur le seuil, par je ne sais quelle idée, j’étais des leurs sans m’en rendre compte…

Extrait d’un texte (??) original du 17 sept. 2010, inséré dans les récits réunis sous le vocable « ipanadrega », le récit entier se situe dans le volume :
—> 1. « İl », prolegomena, intermède… : 037. [af İ] déchéance, il se souvient de ce vieux mendiant… (récit transposé)
—> version transposée le 4 juin 2017 à 11h38